Rien ne s’efface, tu sais. Avec le temps, rien ne s’en va, tout s’accumule. Il y a nos petites histoires et nos grandes, nos premiers mots et les gros. Il y a les épreuves qui déforment nos sentiments et atrophient la moindre phrase. Il y a nos joies et nos audaces qu’on écrit en lettres capitales et nos erreurs qu’on voudrait minuscules. Il y a nos espoirs que nos déceptions ne pourront anéantir, nos angoisses et nos peurs bien cachées sous la pile. Tout est là. Notre vie est faite d’accumulation. Une accumulation de rencontres, d’expériences et d’émotions. Tout a beau défiler, les couches ne font que s’empiler, comme autant de sédiments qui construisent un paysage. Tout s’entasse et s’enchevêtre, se croise et s’entremêle, pour venir définir qui nous sommes. Et tout se superpose. Un évènement peut raturer les précédents, un amour peut en chasser un autre, ce qui a existé n’est jamais gommé. Chaque mot, chaque son, chaque image, chaque odeur s’amassent quelque part en nous. Si bien que rien ni personne ne nous quitte jamais vraiment. Et ce que nous pensons avoir oublié est juste écrasé sous le poids de tout ce que nous portons. Non, rien ne s’efface, même lorsque la mémoire nous abandonne. Tout reste écrit quelque part en nous. Nous sommes ce grand livre aux multiples pages lues et oubliées, écornées et raturées.
Lucie Lith, 2022
Image par TiNo Heusinger de Pixabay
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